You look closely, you see that we’re not drawing attention to a product. There’s nothing to be sold in the picture. If you break it down, we’re trying to transmit some ideas on a subliminal level. What ideas? Ideas that women don’t have to submit to a male dominated advertising fashion industry that has always targeted women as hopeless consumers – that in order to be desirable, beautiful they have to buy depilatories, razors, hairsprays and endless numbers of these stupid products.” – Roy Stuart
La Connasse
D’après la photo de couverture de The Fourth Body de Roy Stuart.
Ecrit par XLO.
- Oh, bavard connard, où veux-tu nous emmener ? A cette photo ?
- Non, à ce qu’elle trame entre elle et moi
- Alors, cher bavard connard, cette photo ?
- Je l’appellerai la « CONNASSE »… C’est toute l’image qui est « connasse », bien plus que la figure de fille qui passe sous l’objectif, un peu ultra-humaine, ce n’est pas elle, rien de ce qu’elle peut bien POUVOIR être, rien ne m’intéresse ; si ce n’est comment elle s’intègre dans la photo… Ou plutôt, tiens, regarde : comment la photo intègre le CON, comme on intègre un règne par élection génétique.
- La connasse est assise par terre. On dirait soit qu’elle s’en fout, soit qu’elle se protège.
– De qui ? – On voit les jambes en pantalon de deux mecs, qui portent des baskets, debout devant elle. Comme s’ils attendaient… Ou qu’ils voulaient passer et qu’elle se trouvait sur leur chemin. Elle, elle est assise à leurs pieds, l’angle de leurs genoux pointe à hauteur du sien, qui est très relevé, parce que le cul par terre, elle a monté très haut les genoux. Elle interpose son genou nu, comme si l’arrondi de son mollet pouvait la protéger. Et elle se penche un peu du côté opposé aux deux mecs. Son bras droit passe devant sa poitrine et se pose le long de son tibia gauche, de l’autre côté de son corps. Il y a un certain désordre, pourtant elle a eu le temps de s’asseoir, bien proprement, sur son sac, comme pour qu’elle ne se salisse pas la culotte.
- C’est une pub pour quoi cette photo ?
- Je te dis qu’elle me fout un vertige. On est dans la rue et dans l’arrière fond, entre les genoux des garçons et l’épaule de la fille, il y a une grosse dame qui regarde tout ça. Un poteau prolonge l’épaule de la fille et vient se dresser lui-aussi entre les protagonistes de l’histoire.
- Un pommeau, c’est fait pour y poser la paume, n’est-ce pas ?
- La paume du bassin aussi, c’est dire si la main est vaste. Il n’y a qu’une seule ligne dans la poigne du sexe.
- Bon, OK, mais la connasse alors ?
- La connasse en a marre de marcher, alors elle s’est assise par terre dans la rue, elle a remonté les genoux, le plus haut qu’elle a pu, sans se soucier que sa jupe courte en tissu écossais se retrousse, et ne lui serve plus que de ceinture, pour souligner la zone de son bassin, qu’elle a rétro-versé à la manière des danseuses, ou des pisseuses, de façon à projeter le centre de son corps vers l’avant, son sexe, comme un projecteur sur le monde – Elle a planté dans le bitume les talons hauts de ses chaussures, dont les lacets croisés dessinent le volume de ses mollets, en direction du genou, une lanière délacée fait une boucle étourdissante au-dessus de sa cheville gauche. Les muscles compressés des cuisses contre ses flancs ouvrent une perspective insupportable en direction de la surface plane de son sexe, évacuée, ai-je envie envi de dire – Et bien, vas-y, dis-le ! – La vue plonge vers l’endroit qu’on devine organe, ou bien animal, sous la bande de tissu étroite, blanche, fine. – C’est une image, si tu veux, c’est tout, plutôt super belle, super froide… Tout ça, je le vois, tu me le dis, ce n’est pourtant pas ce que je vois d’abord… La culotte ou le visage, c’est ça qui saute aux yeux, non ? C’est selon… Non, dis, toi, tu n’as pas d’yeux seulement pour la culotte de la fille ?
- J’y viens. Il y a la situation, même si ce n’est pas la situation ce qui te saute d’abord aux yeux, mais la culotte, ou le visage. N’empêche que ta culotte ou ton visage ne sont rien en dehors de ce qui se passe entre le bloc vertical du masculin et le bloc ramassé du féminin. Le fond de l’image, d’accord, c’est la culotte, qui attire ton regard, le fond soyeux et aveuglant d’un puits, mais les lignes des garçons et du poteau, ça trace un espace vers le haut, CONTRE la géométrie triangulaire que constituent les points de la fille, assise par terre, un peu basculée du côté opposé de l’espace des garçons… Tu vois ? Cette… évocation volumétrique du viol, c’est ça que la photo t’attache à l’œil, non ? Et le vertige, en même temps que la contention, ou l’évacuation, ou le refroidissement de l’excitation sexuelle, c’est la lâcheté, et un délice de la lâcheté, que tu ressens face au viol. – C’est ça, oui, et dis-moi qu’est-ce qui, connard, de toi, sortirait vivant, si tu avais l’audace du viol ? Que penses-tu que la zone voilée par le tissu ferait de ta queue si tu l’aventurais dedans ?
- D’abord, tu aurais à survivre en entier sous le regard de cette figure pas humaine…
- Il y a de la frayeur dans le petit regard en coin qu’elle jette aux deux mecs… C’est sa frayeur qui la rend autre chose qu’humaine…
- Mais même sa frayeur est présentée comme une pose de modèle, un modèle facial, un modèle euh… moral… Elle expose l’axiome de la mise à nue… Sous ses airs d’étudiante en droit, je suis sûr qu’il y a un animal pervers, une féline coiffée comme une fille de bonne famille, chatte bien peignée, les poils lustrés à coup de langue, les griffes planquées dans le vagin, elle est la Non-Personne dont tout mon être pourrait se sentir exister s’il la chamboulait, s’il la dégriffait, s’il la défaisait, s’il salissait et éraflait la surface lisse et fine et blanche et presque transparente, culotte de soie posée sur l’animalité…
- Je me demande un instant qui elle est, mais en fait je m’en fou. Est-ce qu’elle est un objet ?
- Non, elle se présente comme un outil. Précieux, comme une petite cuillère en inox. (Et ce n’est pas vraiment elle qui est là – Ah, bon, qui, alors ? – Elle est là mais ça te renvoie à toi – Si tu le dis. Tu crois qu’elle t’a vue alors ? Tu crois qu’elle te regarde ? Tu crois qu’elle se préoccupe de toi ? T’es vraiment con alors – Je crois que pour elle j’existe. En retour d’elle, en quelque sorte, mais sans réciprocité. Et je n’ai aucune idée de ce qui de moi enfin existe – Tu veux que je te laisse un instant ? Tu sembles bien parti pour te frotter le nœud – Je suis face à du sexe, complètement en-dehors, si tu vois ce que je veux dire – Si tu veux dire cette photo… Je vois ce que tu veux dire mais… Ce que tu dis, connard, est sans rapport avec la photo – Pardon ? – Elle me fait seulement bander ta connasse – Moi, elle me donne l’impression que… …la cire d’une poupée est plus compatible avec ma chair qu’il n’y a de combines possibles avec la matière organique de cette fille
– Pardon ?)
– Mate, elle a bougé… Elle a jeté un petit coup d’œil sur les deux mecs – Les deux mecs la branchent – Tu crois qu’il faut faire quelque chose ? – Regarde, elle ne se rend pas compte que sa jupe s’est remontée et elle attend – Ils ne la touchent pas. Ils ne la changent pas. Ils ne la rendent pas différente.
- Elle est comme ça, oui, cette petite conne, indifférente. Elle les snobe. Leur tire la tronche. – Et nous lui sommes indifférents…
– Sa tronche est plate – Jolie face – C’est ce qui me saute aux yeux, pas sa culotte, pas le reste, en fait, juste, sa face – Quoi donc au revers ? – Qu’est-ce que tu crois qu’on voit au revers d’un visage ? Masque d’os, peau à l’envers – Lisse et claire, comme la surface de tissu qui laisse transparaître l’ombre de sa chatte. Sa clarté et son poli laissent transparaître l’ombre d’un animal velu et ouvert derrière elle – L’animal qui s’assoit par terre, contre tout usage.
C’est ça. Voilà. Elle n’est pas indifférente, elle est contre. – Contre ? – Crois-tu qu’elle soit indifférente au poteau ? Non, elle est contre – Ah, bon – Elle n’est pas indifférente aux deux garçons, elle est contre – Ah – Pas indifférente au regard, connard, contre. Cette connasse, encore, contre. – Pourtant, nous, on en voit plus que les deux mecs qui la bloquent – Tu crois qu’elle fait ça pour nous ? – Quoi ? Ecarter les jambes ? – Non. S’asseoir par terre, sur son sac à main, la jupe retroussée sur sa culotte ? Elle le fait contre. Est-ce que tu te rends compte ? – Contre qui ? – Je veux dire : Est-ce que son contresens te rend, toi, contre ? Est-ce que ce que cette photo te met sous le nez, te rend contre ?
XLO